Sanctuaire, de Bec et Dorison

Après les livres, les films et les expositions, une critique de bande dessinée, support idéal pour la science-fiction s’il en est. Pour un inconditionnel de Blake et Mortimer comme de Yoko Tsuno, il fallait bien faire de temps en temps une incursion dans les petites cases à bulles.

Voici donc Sanctuaire, une trilogie sortie en 2007 et signée par les français Christophe Bec (dessin) et Xavier Dorison (scénario). Bec est notamment l’auteur d’une autre série, Zéro absolu, et Dorison est plus connu pour son travail sur le film Les brigades du Tigre et la BD Thorgal.

Sanctuaire démarre en 1945, dans Berlin envahi par les troupes soviétiques. Malgré les destructions inévitables, Staline ordonne qu’un édifice soit absolument épargné. Que recèle-t-il ? Un officier demande à en voir l’intérieur… avant d’être assassiné. Puis nous faisons un bond en 1957. Dans l’est de la Méditerranée, le sous-marin soviétique Youbrenin, en mission secrète, fait une découverte terrible, si terrible que l’équipage se mutine et coule le bâtiment.

Nouveau saut en 2029. Le sous-marin nucléaire américain USS Nebraska, énorme submersible commandé par le capitaine David Hamish, patrouille au large de la Syrie. A près de mille mètres de profondeur, au fond d’un machélodon (caverne sous-marine), il découvre par hasard l’épave de son homologue soviétique, à l’entrée de ce qui ressemble à un gigantesque temple englouti.

Simultanément, des phénomènes étranges se produisent. Le navigateur ne détecte pas un écart de trajectoire, un homme meurt noyé après avoir été enfermé dans un compartiment inondé et un autre développe les symptômes de la peste bubonique alors que son corps ne contient pas de virus.

Le Youbrenin, lui, semble avoir été modifié pour explorer les grandes profondeurs et possède deux torpilles contenant chacune une petite bombe atomique. Le corps de son commandant est identifié comme étant celui d’un homme décédé officiellement en 1944. L’épave contient aussi des cadavres visiblement mort avant le naufrage, mais aussi des hommes dont l’uniforme n’est pas celui de la marine, et des documents écrits dans une langue disparue depuis plus de trois mille ans !

Devant tant de mystères, le commandant décide de mener son enquête. Une équipe de plongeurs part donc explorer le temple. Pendant ce temps, pris de folie, un mécanicien sabote les machines de l’USS Nebraska…

Dès les premières pages, le ton est donné : Sanctuaire est un récit angoissant où se bousculent technologie, horreur, histoire et ésotérisme. Pourtant, la trame est archi classique : un secret caché par les nazis, convoité ensuite par les soviétiques et dont héritent par hasard les américains. Mais très vite, la tension monte et le lecteur à l’eau à la bouche en essayant d’imaginer ce que les marins vont découvrir.

Le scénario s’appuie sur un fait historique bien réel, l’existence du royaume d’Ougarit (vers 1500 à 1200 avant J.-C.), situé dans la région actuelle de Lattaquié en Syrie et culturellement proche des Phéniciens et des Hébreux. La BD déforme toutefois la réalité, Ougarit n’ayant pas « mystérieusement disparu » ; la cité fut tout bonnement rasée par des conquérants étrangers.

Les trois tomes de Sanctuaire sont de qualité assez inégale : le premier, USS Nebraska, créé une très forte attente grâce à une ambiance sf-fantastique excellente, mais le second, Le Puits des abîmes, laisse un peu sur sa faim et le troisième, Môth, est décevant, comme si le scénariste avait eu du mal à trouver une conclusion. Un problème fréquent qu’on retrouve dans des séries TV comme Lost, où l’accumulation de phénomènes étranges devient impossible à expliquer sans tomber dans le délire.

C’est d’ailleurs ce qui fait le charme (ou le défaut, selon les goûts) de cette BD : son côté totalement cinématographique. La scène finale semble tirée d’un blockbuster américain. Les marins ont des visages directement inspirés, voir totalement copiés sur ceux d’acteurs US connus. Ainsi on reconnait Johnny Depp, Bruce Willis, etc. Les auteurs auraient voulu faire un clin d’œil à Hollywood qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.

Les personnages, toutefois, n’ont pas de profondeur, sauf peut-être le commandant Hamish, partagé entre son devoir et l’envie de retourner auprès de son fils dans le coma. J’ai aussi eu parfois du mal à les distinguer, la faute à un dessin des visages parfois imprécis. Dommage.

Bref, lire Sanctuaire c’est regarder un film américain en bande dessinée. Rien d’original dans l’histoire, mais une trilogie qu’on découvre ou relit avec plaisir.

Sanctuaire a été adapté en manga sous le titre Sanctuaire Reminded.

Ma note : 3 sur 5