Albator, de Shinji Aramaki

Quelle a été votre toute première idole ? Moi c’était Albator, en 1978. 36 ans, ça ne nous rajeunit pas. J’ai également suivi la série dans sa version de 1984. Et après, plus rien jusqu’en 2013. Alors, après tant d’années d’absence, je ne pouvais pas rater le film sorti Noël dernier, et que je revois aujourd’hui grâce à un DVD tout juste arrivé dans ma boite aux lettres.

Albator est une série dérivée d’un manga japonais créé en 1977 par Leiji Matsumoto. Albator ? Pourquoi ce nom ? En version originale, le dessin animé porte le nom de SSX, et le personnage principal s’appelle Captain Harlock. Problème, en France un sigle de 3 lettres était peu adapté à une série pour enfants, et Harlock ressemblait trop à Haddock, le meilleur ami du Tintin de Hergé. Le nom « Albator » a alors été proposé par Eric Charden, par ailleurs compositeur et interprète du générique de la première série.

Qu’est-ce qui faisait le charme d’Albator ? D’abord une contradiction : c’est un pirate, donc un hors-la-loi, et pourtant il incarne le bien. Une sorte de résistant du futur. D’ailleurs je ne suis pas d’accord avec le sous-titre français, « le corsaire de l’espace », car un corsaire, à la différence du pirate, a fait allégeance à un gouvernement. Or Albator est l'archétype de l'indépendant qui ne rend de comptes à personne.

De plus, s’agissant d’une série théoriquement destinée aux enfants, les thématiques étaient assez adultes : on y montrait notamment le sens du sacrifice, et beaucoup d’épisodes finissaient de façon triste avec la mort d’un personnage. Une phrase de conclusion, en voix off, résumait la morale de l’histoire.

Albator est aussi un héros mystérieux, presque mythique. Son passé n’est pas clair, et il faut avoir regardé les deux séries et lu le manga pour se faire une idée du personnage. Parlant peu, courageux, il est borgne et porte une cicatrice sur la joue, une façon habile de suggérer que le personnage a eu une histoire violente, mais sans dévoiler laquelle. Il est toujours accompagné d’une sorte de perroquet noir et se bat avec une épée dont la lame est creuse et peut lancer un rayon laser.

L'Arcadia, le vaisseau spatial d'Albator (ici dans sa version de 1984)

Au plan du style, les héros comme Albator lui-même et son amie la femme pirate Emeraldas possèdent des vaisseaux spatiaux au design original car imitant des bateaux à voile. L’Atlantis a notamment un château arrière et même le fameux drapeau pirate, noir et frappé d’une tête de mort, et qui flotte dans l’espace, on ne sait trop comment 😉.

Il possède aussi une roue de gouvernail, avec laquelle Albator parvient à piloter en 3D… Et quand le capitaine veut s’emparer d’un bâtiment ennemi, il le prend à l’abordage. Ces métaphores marines sont une habitude chez Leiji Matsumoto ; on les retrouve notamment dans la série Yamato.

Revenons à notre époque. Les années ont passé et un dessin animé classique n’était plus possible aujourd’hui. Le réalisateur japonais Shinji Aramaki, disposant d’un budget de 20 millions d’euros, a donc fort logiquement opté pour le film d’animation, et nous offre en 1h50 une histoire entièrement nouvelle.

Et la version de 1978, appelée Atlantis (crédits photo : Otakia)

En 2977, l’humanité a essaimé dans toute la galaxie et compte 500 milliards d’âmes. Pourtant, malgré un grand nombre de planètes colonisées, aucune n’offre un environnement vraiment comparable à celui de la Terre. Il se crée alors un mouvement d’émigration massif vers la planète bleue. Celle-ci ne pouvant supporter un tel afflux de population, la Coalition Gaïa, une sorte de gouvernement mondial, décide d’en faire un sanctuaire et d’en interdire l’accès. Les migrants entrent donc en conflit avec elle – c’est la « Guerre du retour » – mais sont finalement vaincus.

Un homme émerge alors, Albator, pirate de l’espace, rebelle et ennemi numéro un de la Coalition qui cherche à l’éliminer. A bord de son vaisseau spatial, l’Arcadia, et avec l’aide d’un équipage de rebelles qui le vénère comme un demi-dieu, il se bat pour un monde libre.

Ne parvenant pas à l’arrêter, la Coalition charge un jeune homme, Yama, de se faire recruter parmi l’équipage d’Albator et de l’assassiner. Yama découvre peu-à-peu que le pirate n’est pas le criminel qu’il croit, et, ayant été démasqué et pardonné par sa cible, décide de l’aider dans sa tâche. Car Albator a un projet ambitieux : dénouer les fils du temps.

Coté visuel, le résultat est bluffant. Clairement, même si on ne l’atteint pas encore, on s’approche encore un peu plus du moment où les scènes générées par ordinateur et celles d’un film classique seront indiscernables. Le rendu des personnages, aspect où l’animation est la plus difficile, a été énormément travaillé ; le grain de la peau, les ombres sur les visages, tous les petits détails s’accumulent pour un résultat saisissant.

Au niveau luminosité, toutefois, c’est la pénombre qui domine : sans doute pour donner une impression de tristesse, les couleurs sont ternes et tirent vers le rouge-violet.

Les batailles spatiales, elles-aussi, sont spectaculaires mais aussi totalement dénuées de réalisme : abordage façon boucaniers du XVIème siècle, vaisseau spatial qui en traverse littéralement un autre, etc. On est clairement dans l’adaptation d’un dessin animé des années 70, et même Star Wars fait penser à un documentaire scientifique en comparaison.

Côté psychologie, Albator se dévoile enfin un peu : c’est un homme secret, tourmenté par une énorme erreur qu’il cherche à réparer. L’origine de sa blessure et de la perte de son oeil est enfin expliquée lors d’un flash-back. Son âge exact n’est pas connu, mais il semble qu’il ait trouvé la formule de l’immortalité, car l’un des personnages affirme qu’il se bat depuis plus d’un siècle.

Toutefois, à force d’être mystérieux, Albator n’est pas aussi présent dans le film qu’il aurait plus l’être. Du coup il partage la vedette avec son équipage, de la belle Kei au courageux Yattaran, en passant par l’extra-terrestre Miimé.

Les « méchants » évoluent : après les Sylvidres angoissantes de 1978 et les Humanoïdes agressifs de 1984, ce sont maintenant les humains eux-mêmes, dirigés par Ezra, frère de Yama, handicapé et sans pitié y compris avec ses proches.

On note que le vaisseau d’Albator, baptisé Atlantis dans les dessins animés en français, devient ici Arcadia, son nom en version originale. Toujours orné d’une tête de mort sur la proue, il ne découpe plus les ennemis au tranchoir comme dans la première série, mais possède une énorme résistance structurelle qui le rend quasiment indestructible.

L’histoire, toutefois, est moins convaincante. Le scénario est un peu trop simple et laisse le spectateur sur sa faim. C’est plutôt dommage car le film est très sombre : on cherche en vain un peu de joie dans cette histoire de personnages blessés, au sens propre comme au sens figuré, pleins de remords, voire remplis de haine comme Ezra.

Bref, Albator, c’est une bataille à mort entre le bien et le mal, que je déconseille finalement aux plus jeunes. Un film attendu depuis de longues années, qui répond aux attentes des fans et pêche seulement par un histoire sans originalité, raison pour laquelle je ne lui mets pas la note maximale. Mais quelle joie d’assister au retour d’un héros d’enfance !

Ma note : 4 sur 5