Interstellar, de Christopher Nolan

Depuis deux mois les médias suscitent notre curiosité avec la bande-annonce d’un nouveau « blockbuster » américain de science-fiction, Interstellar. Il faut dire qu’avec Christopher Nolan (Inception, The Dark Knight, etc.) à la réalisation, il y a de quoi être intéressé. Me voici donc enfermé dans une salle obscure pour près de 3 heures, avec comme excellent prétexte un temps pluvieux au dehors.

L’action démarre en Amérique du Nord, dans un futur proche. La Terre connait une catastrophe écologique qui entraine la réduction progressive des zones cultivables. Les variétés de céréales exploitables se réduisent petit à petit. Les sols, malmenés par une agriculture intensive, se désagrègent en formant des tempêtes de poussière qui détruisent les récoltes, condamnant à terme l’humanité à mourir de faim.

Cooper, la quarantaine, est un ancien pilote et astronaute devenu fermier. Il vit avec ses deux enfants et son beau-père. Un jour, sa fille Murphy affirme que sa chambre est hantée par un fantôme. Cooper découvre alors, avec l’aide providentielle de la poussière, que des anomalies gravitationnelles sont présentes sur le sol de la pièce. Mieux, celles-ci composent une sorte de message en Morse, qui contient les coordonnées géographiques d’un lieu situé à quelques heures de route.

Intrigué, Cooper et Murphy se rendent à l’endroit en question. Ils découvrent une base secrète de la NASA, administration censée avoir été dissoute depuis plusieurs années. Le responsable, le professeur John Brand, est étonné de son arrivée mais lui révèle qu’une mission spatiale est en cours de préparation. Elle doit rester secrète car l’opinion publique n’accepterait pas une telle dépense alors même que la famine guette. L’objectif de Brand est de trouver une planète habitable pour y transférer la population terrestre.

De plus, Brand révèle à Cooper qu’un trou de ver a été détecté 50 ans auparavant dans les environs de la planète Saturne. Il conduit à une zone éloignée de la galaxie. Au cours d’une mission précédente baptisée Lazare, des astronautes l’ont déjà franchi et ont envoyé des messages indiquant que plusieurs planètes habitables se trouvent à proximité du débouché. Toutefois ils ne sont pas équipés pour faire le voyage de retour.

Brand propose donc à Cooper de partir en compagnie de sa fille Amelia, elle aussi scientifique, et de deux autres chercheurs. Leur objectif principal, ou « plan A », est de trouver une planète habitable et revenir sur Terre. Si le retour n’est pas possible, le « plan B » consiste à s’installer sur la planète en question et y développer une colonie humaine à partir d’un stock d’embryons congelés.

Cooper accepte et l’équipe décolle pour rejoindre le vaisseau spatial Endurance, qui part pour Saturne. Après un voyage de deux ans, ils traversent le trou de ver et aboutissent à proximité d’un trou noir géant baptisé Gargantua, autour duquel tournent les planètes candidates à la colonisation. Mais celles-ci ne sont pas aussi accueillantes que prévu…

Comment qualifier Insterstellar ? Je dirais qu’il s’agit du mélange d’un blockbuster et d’un film d’auteur. Du premier genre il a les effets spéciaux grandioses, le casting (Matthew McConaughey, Jessica Chastain, Anne Hathaway, et Matt Damon), et les moments d’émotions. Du second il hérite d’un scénario fouillé et relativement crédible, et d’une peinture assez juste des motivations humaines.

D’un point de vue scientifique d’abord, le film s’attache à respecter les lois de la physique, et démontre que cela ne nuit pas à l’histoire, bien au contraire. Les astronautes sont ainsi confrontés à la relativité du temps, qui passe moins vite lorsqu’on voyage à des vitesses proches de la lumière ou si l’on se trouve près d’une masse importante. A ceux qui seraient intrigués, je recommande cet article sur le paradoxe des jumeaux de Langevin.

Cela faisait aussi bien longtemps qu’on n’avait pas essayé de décrire sérieusement au cinéma la chute dans un trou noir. Dans ce domaine, rien de bien neuf depuis Le Trou noir de Disney en… 1979. Evidemment, dans l’état actuel de nos connaissances, une telle traversée conduirait à la mort à coup sûr, mais après tout il ne s’agit que de théories.

Visuellement parlant, la reconstitution de Gargantua est proche des simulations réalisées par les astrophysiciens, notamment le français Jean-Pierre Luminet, dont je me rappelle avoir vu les travaux dans un livre d’astronomie il y plus de 30 ans de cela (voici de quoi cela avait l’air). Pour les passionnés, ce dernier critique toutefois le rendu du film, qu’il ne trouve pas parfait.

Interstellar nous offre aussi un paradoxe temporel très classique, qu’on pourrait décrire ainsi sans trop dévoiler le film : depuis le futur, j’envoie à une personne du temps présent un message dont le contenu lui permettra, plus tard, de rendre possible l’envoi du message. Donc qui en est la source ?

Rassurez vous, Christopher Nolan ne nous parle pas seulement de science. Les protagonistes sont profondément humains : on y voit Cooper en père brisé d’être séparé à jamais de ses enfants par plusieurs dizaines d'années qu'il n'a pas vécu (un peu comme dans Silo), le Dr Mann, un lâche prêt à tout pour sauver sa vie, et le professeur Brand, un manipulateur qui pense que la survie de l’humanité justifie le mensonge, y compris à sa propre fille.

Interstellar, c’est donc un film à ne pas manquer, un effort incontestable de l’industrie hollywoodienne pour produire des films un peu moins simplistes, un peu moins délirants, et un peu plus originaux. Il dure 3h, mais je ne les ai pas vues passer.

Petite note au sujet de la musique : Hans Zimmer (Gladiator, USS Alabama, Le dernier Samourai, etc.) est à mon sens, en tant que fan de musiques de films, le meilleur compositeur de cinéma actuel. Capable du grandiose comme du touchant, cet allemand expatrié aux Etats-Unis sait donner une touche de magie aux longs-métrages qu’il met en musique. Vous voulez vous replonger dans l’ambiance d’Interstellar ? Pensez à la bande originale, qui devrait être disponible en CD mais aussi sur les services de streaming comme Spotify ou Deezer.

Ma note : 5 sur 5