La reine Alien

Mélange de science-fiction et d’horreur, la saga Alien a marqué le cinéma et les esprits depuis le premier film en 1979. Cela tient moins au scénario qu’à la créature extra-terrestre, ou « xénomorphe » , qui laisse rarement de marbre le spectateur : physique de cauchemard dessiné par le peintre surréaliste H. R. Giger, bave acide capable de traverser n’importe quel matériau, et mode de reproduction original, ou plutôt effroyable, et consistant à parasiter un hôte humain. J’entends même des femmes enceintes raconter qu’elles ont « un alien dans le ventre ». C’est dire…

A l’époque, les réalisateurs Ridley Scott (Alien, le huitième passager) et James Cameron (Aliens, le retour) durent faire appel à des marionnettes ou « animatronics » pour donner vie à toute cette famille de monstres. Aujourd’hui remplacées par les techniques d’animation en CGI, elles croupissent souvent au fond d’un hangar, à moins que quelques passionnés ne songent à en faire profiter le public.

C’était le cas hier avec la présentation, en avant-première, de la reine Alien imaginée par James Cameron pour Aliens, le retour et construite pour Alien vs Predator (2004). Après le tournage, le monstre-robot est démonté, stocké et même vampirisé par son créateur, les studios ADI, afin de réutiliser ses mécanismes sur d’autres films. En 2011, les pièces détachées restantes sont remarquées par le miniaturiste Dan Ohlmann, créateur en 2005 du Musée Miniature et Cinéma de Lyon. Il les rachète et les expédie en France.

Malheureusement, avec le temps le latex dont est faite la bête s’est dégradé, et de nombreuses pièces du mécanisme d’animation sont manquantes. Ohlmann fait donc appel à Patrick Clody, spécialiste français de la robotique de spectacle, pour entamer une restauration complète. Une entreprise du secteur chimique, Bluestar, met au point un silicone spécial pour ce chantier. Et pendant plusieurs mois, une équipe travaille à plein temps pour réparer la peau, recréer les pièces manquantes, et reconstituer le squelette métallique.

Hier matin donc, me voici dans le vieux Lyon. Au musée, Dan Ohlmann nous accueille et commence par nous faire une visite rapide des lieux. Visiblement très fier de sa création, il explique comment les pièces exposées sont pour un tiers prêtées, un tiers louées et un tiers achetées aux studios qui les ont conçues, américains pour l’essentiel. La collection est très vaste : costumes, masques, personnages animés, maquettes de vaisseaux spatiaux et de bâtiments, mais aussi faux cadavres humains, monstres divers, story-boards…

Ici on reconnait le vaisseau spatial Lewis and Clark de Event Horizon (1997), un peu plus loin le Capitole de Washington détruit dans Independence Day(1996) et reconstruit par le musée. Derrière une vitrine, on aperçoit le faux bouclier utilisé par Brad Pitt dans Troie (2004), et un ingénieux système à ressort permettant de recevoir une flèche en pleine poitrine sans douleur.

Absolument tous les accessoires nécessaires à l’illusion du spectateur sont présents. Il faut aller aux Etats-Unis pour trouver une collection plus importante – d’ailleurs, si d’aventure vous passez par Los Angeles, je vous recommande The Hollywood Museum qui expose des pièces similaires.

Puis vient le clou du spectacle : enfermée dans sa cage, les membres enchaînés, voici la reine Alien. Impressionnante de réalisme, le robot (j’aurais du mal à l’appeler la marionnette) peut atteindre 6,5 mètres de haut dressé sur ses pattes. Son mécanisme, permettant 72 mouvements différents, est mis en marche : le monstre s’anime, ses naseaux frémissent, ses bras se déplacent, sa gueule s’ouvre et on entend son rugissement. Les mouvements sont lents, mais il est possible de les accélérer. L’équipe démonte alors la cage et active le générateur de bave. De l’eau commence à couler du menton de la reine. L’illusion est parfaite.

Dans le détail, on mesure le travail que réalisent les spécialistes des effets spéciaux, et leur incroyable souci du détail. Mais tout ceci est-il condamné par l’animation informatique ? On peut le craindre, et c’est pourquoi ce musée a un intérêt particulier : nous montrer l’envers du décor avant le règne du tout virtuel.

Musée Miniature et Cinéma
60, rue Saint Jean
69005 Lyon – FR
T. +33 (0)4 72 00 24 77
F. +33 (0)4 78 29 38 51
www.museeminiatureetcinema.fr
Tarifs : 9 euros (adultes), 6,5 euros (enfants)

Remerciements à l’agence Abrasive pour l’organisation de l’évènement.